“Il faut sécuriser financièrement les premières années de la transition si l’on veut que les agriculteurs passent de l’intention à l’action.”

3 questions à… Vincent Kraus, co-fondateur de Feve et porteur principal du programme Fabacéé

A l'occasion du lancement de l'appel à consultation pour la sécurisation financière de la transition vers de nouvelles pratiques agricoles, Vincent Kraus, co-fondateur de Feve et porteur principal du programme Fabacéé, est revenu dans cette interview sur un enjeu essentiel : pour que les agriculteurs s’engagent véritablement dans la transition agroécologique, il faut d’abord neutraliser les risques financiers des premières années.

Il explique comment Fabacéé expérimente des solutions concrètes — assurancielles et techniques — pour transformer l’intention en pratique durable.

Fabacéé : Pourquoi est-ce important de sécuriser financièrement les agriculteurs lors de leur transition vers de nouvelles pratiques ?

Vincent Kraus : "La transition agroécologique implique souvent un passage vers des systèmes de production plus complexes : allongement des rotations, diversification des cultures, adaptation des pratiques… Elle nécessite aussi d’accepter de limiter l’usage d’engrais de synthèse ou de traitements curatifs en cours de campagne. Cela engendre des risques de baisse de revenus pendant les premières années, le temps pour l’agriculteur de s’approprier ces nouveaux systèmes. Ce risque est l’un des principaux freins au passage à l’acte, même si, à moyen terme, les revenus retrouvent leur niveau initial, voire le dépassent.

Selon le baromètre de conjoncture agri IFOP / FNSEA publié en octobre 2024, 40 % des agriculteurs jugent mauvaise la situation économique de leur exploitation. Par ailleurs, le taux d’endettement moyen des agriculteurs atteint 42 %. C’est un constat évident : le monde agricole n’a pas aujourd’hui les marges financières pour absorber des pertes. Les exploitants sont des chefs d’entreprise qui, bien souvent, fonctionnent avec une trésorerie tendue, ce qui limite fortement leur capacité à investir… et donc à prendre des risques.

Dans le même temps, la consultation menée par le Shift Project auprès de près de 8 000 agriculteurs révèle que 87 % d’entre eux souhaitent engager ou accélérer leur transition. Mais cette volonté est conditionnée à un accompagnement financier. Sécuriser les premières années de cette transition est donc essentiel. C’est précisément pour cela — et en cohérence avec la raison d’être de Feve depuis sa création — que nous avons choisi de nous emparer de ce sujet."

Fabacéé : En quoi le programme Fabacéé peut-il apporter une réponse concrète à ce besoin ?

Vincent Kraus : "Fabacéé représente une opportunité unique pour expérimenter des solutions concrètes de financement de la transition vers des pratiques agricoles moins dépendantes de l’énergie, et notamment des énergies fossiles. Agir sur la réduction des consommations d’énergie permet d’envisager des changements profonds dans la conduite des exploitations, jusqu’à des évolutions de systèmes. En effet, on ne vise pas uniquement la réduction des consommations d’énergie directe (le GNR, l’électricité ou le gaz) mais aussi la consommation d’énergie indirecte via la réduction de l’utilisation d’engrais de synthèse ou de l’importation de l’alimentation du bétail, qui nécessitent des énergies fossiles pour leur fabrication ou leur transport. Cela peut représenter un levier économique significatif, quand on sait que, selon l’ADEME, les dépenses énergétiques atteignent en moyenne 13 000 € par an et par ferme, uniquement pour les consommations d’énergie directe. Les consommations d’énergie indirecte représentant 50 à 60% de la consommation totale des fermes, on peut supposer qu’en réalité ce montant est bien plus important. 

Premier programme du secteur agricole financé dans le cadre du dispositif des Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), Fabacéé nous permet d'avoir les moyens de nous faire accompagner d’experts pour réfléchir aux leviers de sécurisation financière possibles. Qu’il s’agisse de dispositifs assurantiels ou d’autres mécanismes, le programme permet de tester des outils pour sécuriser les agriculteurs. 

Par ailleurs, la constitution du collectif de lauréats et de bénéficiaires du programme Fabacéé nous a permis de rassembler un échantillon très représentatif de la « ferme France ». Nous accompagnons aujourd’hui 1 700 exploitations, et visons les 3 000 agriculteurs avec le dernier appel à candidatures qui est actuellement en cours. Les profils sont très variés : bovins lait, grandes cultures, polyculture-élevage, viticulture… en agriculture conventionnelle, biologique ou en agriculture de conservation des sols.

Cette diversité est un atout. Elle garantit que l’expérimentation d’un système de sécurisation financière dans le cadre du collectif Fabacéé produira des résultats robustes et transférables. L’objectif est de pouvoir ensuite les déployer à grande échelle."

Fabacéé : Comment va se passer cette expérimentation, et comment faire pour y participer ?

Vincent Kraus : "Nous venons de lancer un appel à consultation pour recruter des experts qui mèneront l’étude de faisabilité de la mise en place de ce système de sécurisation financière. Il s’adresse à des structures expérimentées dans la gestion des risques agricoles, la modélisation économique ou assurantielle, et l’animation de démarches participatives dans le monde rural.

Dans un premier temps, elle va permettre de caractériser les risques économiques liés à trois grandes pratiques agricoles : le semis direct avec couverts végétaux, l’amélioration de l’autonomie protéique en élevage, et la réduction de l’usage des engrais minéraux.

Cette phase de terrain reposera sur une consultation large menée auprès des agriculteurs déjà engagés dans Fabacéé. Leurs retours d’expérience permettront d’identifier les risques réellement perçus — qu’ils soient économiques, techniques ou psychosociaux — et d’en estimer les coûts potentiels. À partir de là, des solutions financières (de type assurantiel ou indemnitaire) seront conçues, avec pour objectif de compenser les pertes temporaires liées à la transition.

La campagne de test de ces dispositifs sera lancée à l’automne 2026, auprès d’un échantillon représentatif de groupes d’agriculteurs déjà engagés dans le programme, avec une première mise en œuvre concrète sur la période culturale 2026–2027. "

L’appel à consultation est ouvert jusqu’au 12 septembre 2025. 

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